Il y’a quelques semaines, le monde (moi en particulier) a vibré au rythme du ballon rond lors de la Coupe du Monde Russie 2018 qui a vu la victoire de la France face à la surprenante Croatie…
#CDM2018, #CHAMPIONSDUMONDE2018 |
En observant avec attention toute l’organisation de cette grande fête mondiale, je me suis prêté à une analyse de l’impact du sport sur l’épanouissement réel des populations et l’évaluation du déploiement significatif de divers acteurs, notamment l’acteur étatique. Ce dernier apparait être aujourd’hui au premier plan dans l’organisation des événements sportifs, dans le soutien apporté aux compétiteurs et dans la mobilisation fédératrice des peuples autour d’une même passion tant sur le plan national que sur le plan international. Cet engagement croissant de la part du politique soulève le débat sur l’implication importante des États dans une activité de divertissement et de loisir telle que le sport qui se veut détacher des considérations politiques.
En présence de ses homologues, le Président français Emmanuel Macron célébrant la victoire de l’équipe de France de football lors de la finale de la Coupe du Monde 2018 en Russie. |
Le Sport : Vecteur d’expression et de visibilité sur la scène internationale
Le sport, pour les États, est devenu un outil au service des relations internationales au même titre que des sommets ou des rencontres entre chefs d’États. Pour les individus, c’est devenu un moyen de rassemblement et de divertissement des peuples. En réalité, le sport est devenu un élément de la mondialisation, un moyen d’exultation de la compétition saine sur le plan international. C’est la transposition d’une compétitivité permanente des États en quête d’affirmation et de consolidation hégémonique.
Si le sport renforce le sentiment d’appartenance des individus à un groupe identitaire spécifique, il favorise aussi l’esprit de corps et d’équipe. Cependant ce qui donne le coté spectaculaire du sport c’est sa capacité à abolir les barrières de différences de classes existantes dans la société. Les pauvres ou ceux des classes ouvrières ont l’opportunité de challenger les riches ou ceux des classes bourgeoises dans le but d’exploiter ce cadre neutre pour exprimer leur désir de rivalité.
De tout les temps en effet, le rapport entre les compétitions de sport à l’envergure internationale et les politiques des États sur la sphère internationale, a contribué soit à la pacification et au rapprochement des peuples, soit à l’exacerbation des tensions dans des situations de conflits. De ce fait, la politique a toujours eu une influence sur la pratique du sport dans les Relations Internationales. De même, le sport au fil des années est devenu un élément capital de la politique étrangère des États. C’est un instrument de diplomatie et aussi un instrument d’affirmation hégémonique, de prestige et de rayonnement culturel et social pour les grandes puissances. En outre, le sport est considéré comme un moyen de reconnaissance, de renforcement d’un sentiment nationaliste comme ce fut le cas de l’Allemagne nazie ; et aussi d’affirmation d’existence sur la scène internationale comme se fut le cas des territoires colonisés ou occupés, notamment la colonie française d’Algérie et les États africains post colonial. Encore plus indispensable, le sport a longtemps servi de propagande aux individus ayant des convictions à faire valoir, à dénoncer des faits d’abus ou à véhiculer un message à un public plus grand.
C’est ainsi que lors des Jeux Olympiques de Mexico de 1968, les coureurs américains Tommie Smith et John Carlos arrivés premier et troisième du 200 mètres, sur le podium, lors de l’hymne américain, protestent contre la ségrégation raciale aux États-Unis en baissant la tête et en pointant leur poing ganté de noir vers le ciel, sur le podium de la remise des médailles. Par ce geste ils marquaient leur soutien au mouvement politique américain Black panthers.
Quelque soit les raisons, le sport a toujours été utilisé par les acteurs des RI pour intenter une action à porté publique à l’international. Dans cette optique, nous devons comprendre que le sport est un instrument indispensable pour la diplomatie sur la scène internationale, c’est un élément du soft power. C’est le reflet de la société qu’il incarne et se veut être l’identité visible d’un groupe de personnes voulant partager un même background historique.
Sport moderne : Entre la promotion du divertissement et la croissance de la rentabilité
Au delà de son aspect politique et idéologique, le sport est devenu un grand business et un vaste marché impliquant non seulement les États, mais aussi les sportifs, les organisations internationales de sport, les entreprises de paris sportifs, les sponsors, les marques publicitaires, les spectateurs (le public des tribunes) et téléspectateurs (télévisions, presses sportives, militantes, nationales).
En 2013, le marché mondial du sport a généré des recettes d’environ 76 milliards de dollars. En 2017, ce marché a généré environ 90,9 milliards de dollars.[1] Selon le cabinet de conseil en stratégie AT Kearney de Chicago, les recettes générées par le sport, constituent plus de 1% du PIB mondial et subissent une croissance de 4% par an. La pratique du sport et sa mise en spectacle donnent lieu à une demande de biens et de services sans cesse grandissante en termes de flux financiers et commerciaux. Son caractère de divertissement et de loisir est davantage mis en avant car ayant un impact marchand drainant nombreux espaces économiques : Articles de sport (chaussures, vêtements, matériels et accessoires), spectacles sportifs (droits d’entrée), émissions sportives (droits de retransmission télévisée), travail sportif (revenus des athlètes professionnels), publicité et sponsoring, presses sportives, bâtiments et travaux publics (équipements sportifs), médecine sportive, diététique, assurances, produits pharmaceutiques.
Il faut noter que l’engouement développé autour du sport est aussi lié à l’affut du sensationnel créé par l’incertitude du résultat. En plus, avec l’essor des médias et la vulgarisation de la vie privée, le sport favorisant l’ascension social, fait rêver ceux là qui désirent voir leur statut social changé. C’est le cas de la publication et la diffusion de la vie privée des footballeurs ayant des salaires stratosphériques qui font espérer les plus démunis. Dans la plupart des cas, ces stars incarnent l’espoir d’une vie meilleure, d’une réussite sociale partant du bas de l’échelle ; ils apparaissent comme le maillon de liaison entre l’élite dirigeante et le bas peuple. Georges Weah, Didier Drogba, Samuel Eto’o et bien d’autres en Afrique sont les illustrations de ce que le sport apporte à l’imagerie populaire.
L’Afrique championne du monde, l’Afrique dernière du monde
Après la victoire de la France à la Coupe du Monde de football en Russie , la polémique sur le pays d’origine de la majorité des joueurs composant l’équipe nationale française, a refait surface au point de constituer le centre d’intérêt de plusieurs débats sur la scène publique française et internationale. A tel point où l’ancien président américain Barack Obama l’a évoqué dans ses propos en Afrique du Sud lors de la célébration du Mandela Day le 18 juillet dernier. Bien qu’il faut reconnaître que ce sont les joueurs d’origines africaines qui constituent la principale force de cette équipe nationale, il faudrait également avouer que tout le mérite revient à la France qui a misé sur ces talents en mettant tous les moyens nécessaires pour l’éclosion de leur savoir faire sur le plan sportif.
Cette polémique nous donne l’opportunité de comprendre que l’Afrique regorge d’énormes potentiels humains capables de promouvoir l’hégémonie sportive des pays africains sur toute la planète. L’Afrique est un réservoir d’immenses talents qui ne demandent qu’à être encadrés, suivis et promouvoir.
Paradoxalement les pays de l’Afrique peinent encore a exploiter le sport comme un vecteur de développement et de diplomatie.
Même si pour certains, notamment le célèbre présentateur américain Trevor Noah, c’est l’Afrique qui a gagné la Coupe du Monde de football 2018, il faut noter que les pays africains sont encore loin de réaliser un tel exploit. Ceci peut s’expliquer par un manque de politique sportive à instituer et à développer par plusieurs pays d’Afrique. En plus, le manque d’infrastructures permettant le développement des talents sportifs est significatif sur le continent. Les acteurs étatiques dans plusieurs pays africains soit par manque de volonté soit par ignorance, accordent très peu d’intérêt au développement du sport, d’où un financement limité des activités sportives (quand ils existent, ils sont sujet à détournement) et des infrastructures y dédiées.
Pourtant le sport peut être une véritable aubaine de croissance pour ces États. Exceptée la Coupe du Monde Afrique du Sud 2010, la CAN de football reste l’événement le plus important du continent. Les retombées de l’organisation d’événements sportifs peuvent être significatives si les mesures sont mises en place pour susciter la passion auprès du grand public. Avec l’essor des entreprises internationales africaines et la promotion du « made in Africa » il y’a une opportunité pour l’Afrique de rattraper son retard dans cette forme de diplomatie dans la sphère internationale. La contribution des pouvoirs publics reste indispensable. En effet, le renforcement du partenariat public-privée est une opportunité à saisir dans ce sens de pouvoir permettre aux investisseurs d’injecter le capital dans les activités sportives. Il y’a lieu de restructurer les systèmes sportifs nationaux tout en permettant aux entreprises locales d’investir dans ce domaine encore peu exploré sur le plan commercial, économique et médiatique.
Par ailleurs, il s’avère important de mettre sur pied des infrastructures de base adéquates pour la promotion des différentes disciplines de sport. En outre, tout comme les mathématiques ou les langues dans le système éducatif, le sport doit être considéré comme une discipline à part entière à initier chez tous les jeunes dès le bas âge et à assurer le suivi tout au long du cursus scolaire pour détecter les jeunes talents pour un encadrement permanent.
La forte diaspora africaine qui est constituée de sportifs d’origines africaines, a son rôle à jouer pour épauler les États à rendre les disciplines sportives plus professionnelles sur le continent. Leur contribution peut être pertinente si leur expertise est considérée et mise en valeur par les acteurs étatiques dans le but de réduire la fuite des talents pour l’occident.
Enfin, il revient de déconstruire dans la perception populaire l’image du sportif comme étant un raté de la société. Dans ce sens, il est important que le sport soit considéré comme une science de la diplomatie et de puissance d’extraversion par laquelle les sportifs, ambassadeurs des États font valoir les valeurs de leurs nations. Dans ce sens, il revient aux pouvoirs publics de mieux encadrer et récompenser ces soldats d’un autre genre qui se sentant considérés, pourront tutoyer les grandes nations de sport.