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Au Cameroun, de plus en plus de personnes doutent de la pertinence des vaccins pour des raisons diverses. Dans le contexte du Covid-19 marqué par la fragilité accrue du système de santé, l’Etat fait face au défi d’assurer une couverture vaccinale nationale contre plusieurs maladies. L’élimination des craintes et réticences devient dés lors un enjeu prioritaire de gouvernance publique.

Il y’a quelques jours, j’ai eu l’occasion de participer à la campagne de communication pour la vaccination dans la région du Centre Cameroun. Depuis, cette expérience particulière me fait découvrir l’ampleur du scepticisme de plusieurs personnes vis à vis des vaccins.  D’une part, certains ne souhaitent pas se faire injecter des substances inconnues dans le corps. D’autre part, ils remettent en question l’efficacité des vaccins (anticovid) du fait de la rapidité avec laquelle ils ont été approuvés. Surtout qu’historiquement, les phases d’expérimentation et de commercialisation des précédents vaccins ont pris plusieurs années. En plus, la propagation des rumeurs sur les réseaux sociaux ne facilitent pas l’adhésion massive des populations aux stratégies de vaccination.

Pourtant, face à la situation précaire actuelle, les vaccins sont les principaux moyens rapides pour lutter contre les maladies graves. Le défi des autorités publiques est de dissiper les craintes grandissantes pour assurer une couverture vaccinale maximale afin de renforcer l’immunité collective. Il s’agit donc d’intensifier la communication en fournissant des informations crédibles et vraies pour contrecarrer l’impact des fausses rumeurs.

I- La vaccination comme vecteur de la sécurité humaine

En réalité, il n’est pas très surprenant de constater qu’une partie de la population soit aussi réticente aux vaccins. Les doutes sont le fruit d’un ensemble d’informations reçues (vraies ou fausses) influencé par des connaissances empiriques, des croyances et de l’environnement direct. Ces différentes sources d’informations qui ne sont pas totalement contrôlables, définissent les perceptions de la société de manière différente.

Pourtant au Cameroun particulièrement, les vaccins produisent des résultats très honorables depuis plusieurs années.  Sous la houlette du PEV Cameroun, les campagnes de vaccination ont contribué à éradiquer par exemple la variole et le tétanos néonatal. Aujourd’hui, la fréquence et la gravité des épidémies de rougeole et des cas de coqueluche et diphtérie ont considérablement chuté. En juin 2020, le pays est reconnu libre du poliovirus sauvage. Ainsi, de 350.000/an personnes touchées par la poliomyélite dans 125 pays depuis 1990, aujourd’hui on compte seulement 10 cas dans le monde. Toutefois, l’alerte est maintenue car des cas de poliovirus dérivés de souche de type 2 (cVDPV2) ont été détectés.

La vaccination contribue à renforcer les systèmes immunitaires

Ainsi, à l’instar du dérivé cVDPV2, de nouvelles formes de virus émergent régulièrement aux contacts d’êtres non protégés. D’où l’importance de la multiplication des journées nationales de vaccination préventive ou curative. En effet jusqu’à ce jour, la vaccination est le meilleur moyen de protection contre un grand nombre de maladies infectieuses sur une longue période de vie. Contrairement aux idées reçues ( les vaccins provoquent de maladies), les vaccins sont des agents protecteurs qui apprennent plutôt au système immunitaire à reconnaître et à combattre les infections contre lesquelles ils sont conçus.

Parce qu’il est question de santé publique, la vaccination est donc un enjeu de gouvernance publique. Ils supposent l’implication de l’Etat, des scientifiques et de la société de manière fusionnelle; dans le but d’apporter des solutions viables pour prévenir et lutter contre toute forme de menace à la sécurité sanitaire. De ce fait, au-delà des considérations politiques partisanes, le choix régalien de garantir l’immunité collective par une couverture vaccinale maximale est bénéfique pour la totalité de la population. D’ailleurs pour qu’un vaccin soit approuvé, les autorités locales en collaboration avec le ministère de la Santé et l’OMS s’assurent de son efficacité. 

Croire donc aux thèses conspirationnistes pour expliquer le déploiement étatique, revient à croire que celui-ci veuille s’autodétruire. Autrement dit, on peut émettre des critiques à l’endroit de l’Etat sur sa politique générale; mais penser que celui ci use des vaccins pour détruire son peuple, est une erreur.

II – La vaccination comme gage de stabilité socio-économique 

L’analyse socio-historique de la vaccination souligne la permanence d’oppositions sur la nécessité des vaccins. Parfois portées par des scientifiques et leaders d’opinion, ces oppositions manifestées sur l’espace public se posent plutôt sur la nature obligatoire des vaccins. Pour éviter des débats susceptibles d’accroitre la psychose, les gouvernements optent pour la non obligation des vaccins. Mais les faits qui s’imposent à nous, rendent compte de la nécessité de se faire vacciner pour assurer l’intérêt général.

Ceux pour qui les explications scientifiques ne sont pas suffisantes, le nombre de morts depuis quelques mois devrait les interpeller. Les bouleversements causés par la pandémie n’est pas une vue de l’esprit. C’est une réalité que connaît presque toutes les familles camerounaises. Il ne passe un jour sans qu’on apprenne le décès d’une connaissance ou d’un proche d’une connaissance. A ce jour, on estime à plus de 3,39 millions de décès liés au coronavirus qui fragilise davantage les systèmes sanitaires depuis plus d’un an. La conséquence est que la prise en charge des malades n’est pas optimale; au Cameroun, les populations craignent de se rendre dans les centres de santé de peur de se faire contaminer ou d’être “tuer”. Ce qui favorise la prolifération d’autres maladies infectieuses.

En outre, le secteur économique et la cohésion sociale sont fortement impactées. En 2020, la récession économique est estimée à 2,6% tandis que les disparités se creusent avec un taux de chômage en hausse. Par ailleurs, on assiste à une pénurie et à la flambée des prix des denrées alimentaires dans les marchés. Le niveau de vie des populations chute considérablement et le taux d’insécurité augmente. Voila une réalité à la quelle nous faisons face au quotidien. Alors si les vaccins peuvent être une solution de sortie de crise, pourquoi ne pas l’exploiter.

La confiance, la communication et la transparence dans la gouvernance publique, clés du succès d’une couverture vaccinale à long terme

Dans notre contexte, pour que les populations sceptiques changent d’avis, la Foi et la confiance sont des valeurs fondamentales à considérer. Elles sont des prérequis pour assurer une couverture vaccinale satisfaisante sur le plan national de plus de 80%. Pour que cette confiance puisse exister, il revient aux autorités de continuer les initiatives de communications régulières. Il est aussi question d’assurer une transparence totale tout en tenant compte des hésitants et de leurs questionnements.

En effet, cette stratégie de transparence et de communication est un excellent pilier sur lequel se bâtit la confiance mutuelle. Comme éléments de bonne gouvernance, l’application des procédures transparentes de suivi et évaluation et l’implication individuelle des autorités dans les campagnes d’envergure, permettent de réduire significativement la persistance des non-dits et des fausses informations. En le faisant, l’opinion publique sur la vaccination, pourra changer graduellement et les réticences pourront progressivement disparaître.


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